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05/02/2016

Jeny au cimetière américain, par Emilie

cimetière américain; première l; lycée henri avril; lamballe 

Jeny regarde l’étendue de croix d’un blanc pur. Elle a du mal à croire qu’il y a plus de soixante ans cet endroit a été un véritable cauchemar, un carnage, un chaos total. Maintenant, tout est si bien ordonné. Les croix sont d’une blancheur immaculée. La pelouse est tondue au centimètre près, il n’y a pas un brin d’herbe qui dépasse, pas une mauvaise herbe qui ferait tâche sur le vert émeraude de la pelouse, pas un arbre ou un buisson qui ne soit bien taillé, pas une feuille morte sur le sol malgré le mois de novembre qui sévit. La nature semble vouloir éviter de déranger, même les feuilles oranges et marron n’osent pas tomber comme pour ne pas gâcher l’uniformité du sol vert. Tout est calme, il n’y a pas un bruit incongru. Jeny ressent une atmosphère étrange et lourde mais en même tant sereine, elle a l’impression que son souffle dans l’air glacé et ses pas sur le sol humide pourraient troubler cet univers.

Dans sa main gauche elle tient une rose rouge. Dans l’autre, elle serre nerveusement un petit papier, avec sa main tremblante de froid et d’émotions elle le déplie pour le lire : « Andrew Smith, PVT 5ème infanterie, 3ème division, Seattle, 6 juin 1944, carré J ». Un message formel mais qui signifie plus que ce qu’il ne prétend. Jeny se dirige vers le carré J. Au passage, elle scrute les inscriptions sur les tombes. Mais aucune ne sort du lot. Toutes les croix sont uniformes, à part les quelques tombes en forme d’étoiles de David. A côté de certaines croix, Il y a une rose. Ces roses sont rouges, roses, blanches, oranges ou jaunes, mais elles sont toutes récentes, il n’y en a aucune de fanée. Les jardiniers doivent les retirer avant qu’elles ne s’abîment pour éviter le moindre défaut dans les allées.

Finalement elle arrive enfin devant la tombe d’Andrew Smith, son grand père. Elle ne la reconnaît que grâce au nom qui est inscrit. Elle s’attendait à la deviner grâce à son instinct, elle pensait qu’elle saurait tout de suite que c’était la tombe de son ancêtre rien qu’en la regardant, sans avoir besoin de lire les inscriptions. Mais non, cette tombe n’est pas différente des autres. Elle est parfaitement entretenue et respecte l’uniformité du cimetière. Jeny est presque déçue, elle aurait voulu que cette croix la marque plus que les autres. Elle s’apprête à planter la tige de la fleur dans la terre près de la croix, mais se ravise. Elle regarde une dernière fois la tombe avant de partir.

Elle n’a pas envie que sa rose jugée trop vieille soit arrachée dès le lendemain par les jardiniers, elle n’a pas envie de rendre un hommage conforme à son grand-père, il a le droit à un hommage plus personnel. Alors qu’elle continue de marcher, elle se retrouve face à la plage d’Omaha Beach, la plage la plus meurtrière du débarquement de Normandie s’étend à perte de vue. Meurtrière, elle l’a aussi été pour Andrew Smith, le 6 juin 1944, ce jeune homme de vingt deux ans fut touché par une balle Allemande au thorax alors qu’il aidait un blessé à se mettre à l’abri. Il a maintenant vingt-deux ans à jamais. Il n’aura jamais connu sa fille de sept mois. Jeny trouve même saugrenu d’appeler cet homme son « grand-père ». Jeny emprunte l’escalier qui mène à la plage.

Lorsqu’elle pose son pied sur le sable humide, elle repense à tous ces soldats. Quels ont été leurs sentiments lorsqu’ils ont foulé pour la première fois le sable de la plage cimetière ? Comment trouvaient-ils le courage de sortir des barges ? Jeny marche un peu sur la plage, puis elle s’accroupit et élève un petit tas de sable dans lequel elle plante la rose. Ainsi elle espère rendre hommage à son grand-père comme aux autres soldats. Elle regarde une dernière fois son « petit mémorial » et retourne à l’autocar. 

Commentaires

J'ai suivi avec beaucoup d'émotion le parcours de Jeny à la recherche de son grand-père. Merci Emilie.

Écrit par : Isabelle Guilloteau | 05/02/2016

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