Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

07/10/2012

Quand le poète Moncef Ghachem vient nous parler de printemps arabe et de poésie, un compte-rendu de Charles Gesret.

moncef 2.jpg

Le 5 octobre 2012, la classe de 1ère L accompagnée de Mme Dabchy, Mme Guilloteau-Marchand et de M. Le Flohic a rencontré le poète tunisien Moncef Ghachem afin de parler de la révolution arabe qui touche son pays (où elle est appelée « la révolution de jasmin ») et de son œuvre poétique notamment.

Cette fois-ci nous n’avons pas à nous déplacer, nous restons au lycée. Le rendez-vous a lieu à 11h00 en salle B14 où tout est déjà préparé pour la venue de notre invité. Nous attendons la visite d’un monsieur qui a l’habitude de voyager. Il s’agit de Moncef Ghachem, poète tunisien. C’est avec lui, c'est-à-dire à l’aide de ses poèmes, que nous allons bourlinguer. Avec un peu de retard à cause du train - le rêve reste donc le moyen le plus sûr pour se déplacer- , le voilà qui arrive. C’est un vieux monsieur qui porte les marques physiques des événements de l’actualité récente, celles qui résonnent encore. Cet homme, blessé intérieurement, passionné de la mer rappelle un des « poèmes bleus » de son ami Georges Perros : « Elle est ce mur horizontal-Où s’appuyer quand rien ne va- Et rien ne va plus trop souvent- Cette béquille infatigable ». La conversation s’installe. L’homme s’impose naturellement. Ses paroles choisies, marquantes, laissent passer des silences qui soulignent le devoir de mémoire des événements. Lui, qui avoue avoir « suivi le troupeau » après son entrée dans la révolution de Jasmin passionne par un amour de son pays, indépendant depuis 1956, décrivant les tunisiens comme un peuple pacifique, courageux et juste. Cela nous parle directement puisque ce sont principalement des jeunes qui ont mené à bien ce combat. Lui-même s’insurge contre les islamistes extrémistes, le gouvernement qui censure. Il ponctue ses affirmations par des histoires de héros de la révolution, des héros du peuple comme cette jeune fille qui, pendant une de ces manifestations violentes, ose lever le drapeau national plus haut que le drapeau islamiste ; ces jeunes qui s’immolent (l’élément déclencheur de la révolution vient justement de l’immolation d’un jeune commerçant), cet homme qui se coud la bouche et demande : « Vous me donnez la parole ou pas ? » au gouvernement, ou encore cet étudiant qui, devant les bâtiments du gouvernement prend la parole, s’adressant au peuple tunisien et parle de liberté et d’espoir ; filmé par deux filles dont l’une pleure, tellement les paroles du « poète d’un jour » sont émouvantes. Le silence des élèves est d’or. Les ombres des arbres sur le sol de la salle rappellent l’ambiance du sud, cette chaleur, cet espoir qui cache toute la misère. Puis l’écrivain insiste sur sa vocation, sa passion, déclarant : « écrire est sans doute ce qu’il y a de meilleur dans l’humanité ». Il exprimera plus tard l’idée que la langue est ce qu’il y a de plus libre. En effet, d’après lui, les langues ont le génie d’être vivantes. On ne peut les arrêter, comme en témoigne la poésie allemande qui reste aussi riche après la censure des nazis pendant la seconde guerre mondiale. Ainsi, si la révolution s’est organisée, c’est aussi grâce aux réseaux sociaux, grâce aux langues, elles qui ont été utilisées comme une arme par les écrivains. Parmi ces langues qui ont aidé à la liberté, on trouvera peut-être du français. Ecrire d’une langue autre que celle de son pays d’origine enrichit cette langue d’accueil. Il cite Rimbaud : « la poésie est indéfinie et infinie ». Né près d’un cimetière au bord de la mer méditerranée dans la ville de Madhia en Tunisie, c’est bien cette vie qu’il chante, la beauté de la vie face à la mort, la beauté de l’instant présent, la beauté de la jeunesse qui se bat. A 12h30, une partie privilégiée de la classe se dirige vers le réfectoire où nous allons manger avec le poète. Ce repas est des plus délicieux : Moncef Ghachem nous nourrit de poésie, récitant des poèmes d’auteurs qu’il affectionne- dont certains de René Char- et certains de ses propres poèmes car, selon Georges Perros, un poème cela se mange. Une première question est posée, pertinente : « qu’est-ce qu’un héros pour vous ? Un poète par exemple, nous répond-il. Le poète doit se charger de l’imaginaire et donner de l’élan aux légendes. Ce « héros de l’ombre » est donc véritablement un héros puisqu’il inspire les héros d’actions, il leur donne l’espoir de se réaliser. » Nous retiendrons. Plus tard, une occasion de souffler un peu nous est donnée et nous partons tous dans un fou rire avec le poète qui en profite pour deviser sur le rire qui pense-t-il, est une langue universelle, importante en poésie et que ce rire peut tout guérir. Il cite à nouveau René Char : « Je ris merveilleusement bien avec toi, là est ma chance ». Nous finissons de passer à table avec une question sur la Bretagne pour laquelle le poète résume son attachement en une citation de Georges Perros : « Si on me demandait comment est fait l’intérieur de mon corps, je déplierais absurdement la carte de la Bretagne. »Tout est dit. Le reste de l’entretien s’écoule très rapidement : dehors, nous posons pour une photographie avec le poète afin d’immortaliser cet instant magnifique. Puis ce sont les adieux, la dernière phrase revenant au poète qui lance un « Je n’oublierai jamais... » à la classe qui le regarde s’éloigner.

Finalement, le poète aura répondu à nos questions mais toujours d’une façon détournée, citant des poètes, des personnes qui lui sont chères. Mais cela en dit assurément plus sur sa personnalité. Un beau voyage de 2h30 et une leçon d’humilité pour les jeunes pousses d’écrivains en herbe que nous sommes. Nous ne pouvons que recommander de lire, d’écouter ce poète qui réalise dans ses textes un mélange particulièrement réussie de la langue française et de la pensée maghrébine.

Nous remercions le documentaliste du lycée pour avoir été à l’origine de la venue du poète, notre professeure d’histoire pour nous avoir mis en relation avec le contexte historique de la venue du poète ainsi que notre professeure de français pour son enthousiasme.

P.S : Le voyage se prolonge pour quelques-uns d’entre nous au festival « Litt' et nature» à Quessoy ce week-end puisque le poète y présentera la situation actuelle en Tunisie depuis la révolution.

Commentaires

Avec un immense merci à toi, Charles, pour ce superbe compte-rendu, qui mêle l'informatif et le poétique, avec la belle plume qui est la tienne.
Je rentre de Quessoy à l'instant où nous nous sommes retrouvés avec quelques élèves et collègues, et je confirme que Moncef ne vous oubliera pas. Il m'a confié que cette rencontre de vendredi avec vous, les lycéens, avait été la plus belle, la plus émouvante de son séjour en Bretagne.
Ce compte-rendu devrait bientôt s'enrichir des photos prises vendredi. Marjolaine, si tu passes par là, ce message est pour toi. ;-)

Écrit par : Isabelle Guilloteau | 07/10/2012

Je vois que Mme Evadné continue de faire un magnifique travail...
A quand HFT dans votre classe, Mme Guilloteau ?

Écrit par : Foxy | 07/10/2012

Merci Charles pour ce très beau compte-rendu.

Écrit par : alain | 07/10/2012

Merci, Monsieur Foxy...
Cela peut vous surprendre, mais je n'ai pas encore évoqué HFT avec mes élèves...
Je les laisse d'abord digérer mes envolées sur René Char !
HFT dans ma classe ? En rêve, pour l'instant...

Écrit par : Isabelle Guilloteau | 07/10/2012

Je vous ai envoyé les photos par mail, les avez-vous reçues ? La qualité est vraiment pas géniale, comme on était dans une salle c'est un peu flou (à cause de la luminosité), il y a seulement celle où l'on est dehors qui est bien, enfin à voir pour les autres.
En tout cas, encore une fois, une très belle rencontre qui restera pour nous aussi gravée longtemps dans nos mémoires ! Les larmes aux yeux une bonne dizaine de fois et des souvenirs plein la tête, merci Moncef... Je pense écrire une nouvelle (Oui Mme Guilloteau, je commence à trouver l'inspiration pour le concours de Binic !) en m'inspirant de la mer, des bateaux... Citations de Moncef Ghachem obligées !

Écrit par : Marjolaine | 07/10/2012

Non, je n'ai rien reçu, Marjolaine. On verra cela ensemble demain, peut-être une erreur d'adresse (c'est hotmail.fr). Pour Binic, j'en suis ravie !! Avec des citations de Moncef en prime? Voilà un projet très prometteur. Tu m'en diras davantage de vive voix.

Écrit par : Isabelle Guilloteau | 07/10/2012

Quel bonheur de lire pareil texte et de voir que oui, c'est possible, les jeunes s'intéressent encore à la littérature et sont capables d'écrire très bien! Quelquefois je doute, je le reconnais... Bravo en tout cas, et bravo aussi à leur prof qui est sans doute pour beaucoup dans le goût d'écrire, et de découvrir, qu'ont ces ados!

Écrit par : sophie | 08/10/2012

Merci Charles pour ce témoignage juste et sensible autour de la venue de Moncef Ghachem. Pour cerner encore la situation des artistes tunisiens aujourd'hui, on peut voir un reportage d'Arte Journal de ce soir lundi 8 octobre.

Écrit par : Stéphanie Dabchy | 08/10/2012

Merci pour l'info, Stéphanie! Voici le lien vers le reportage:
http://videos.arte.tv/en/videos/arte-journal--6967592.html

Écrit par : Isabelle Guilloteau | 08/10/2012

WAW !!!! franchement Charles Bravo, je suis admirative face à ton travail! tout ce qui m'a un peu échapper lors de cette rencontre avec Monsieur Ghachem, tu me l'a retranscrite et je te remercie, tu devrais te proposer pour d'autres articles, tu es vraiment doué. Encore bravo!!

Écrit par : Mélissa | 09/10/2012

Ouah! Purée Roméo t'a mangé Shakespear ou quoi O_o? Moi jeune pousse de poétesse, suis impressionnée! Quasiment la larme à l'œil :')!
Quand elle lira ça elle sera impressionné. Quand à Paul, le jour où il viendra sur le blog... Aller bonne continuation!

Écrit par : pauline Rivière | 10/10/2012

Bravo à toi Charles pour cet article, tu as un beau style d'écriture et en effet une très belle plume !
Moments formidables et inoubliables avec Moncef Ghachem !
Je pense que nous avons beaucoup de chance de pouvoir ainsi rencontrer, échanger et discuter avec un poète qui a vécu des moments vraiment fort comme le printemps arabes.
Un grand merci à lui, et aussi aux professeurs d'avoir organisé une si belle expérience.

Écrit par : Yuna . | 10/10/2012

Je découvre votre blog, chers élèves de 1ère L, au travers des articles de Charles et Romane. Je trouve que vous avez de la chance, de l'audace et du talent. Chance de partager ces rencontres avec auteurs et professeurs passionnés. Audace de partager ce que vous vivez à travers ces articles de qualité. Talent comme en témoignent la teneur de vos compte-rendus. Merci de nous faire profiter de tout cela. Félicitations et bonne continuation.

Écrit par : Gaëlle Chauveau | 12/12/2012

Les commentaires sont fermés.